Nous le repérons aux zébrures de sa ligne qui accroche la lumière et restons à observer sa technique de pêcheur à la mouche, cachés derrière un tronc de saule.
C'est en mars que cet arbuste, si fréquent au bord des rivières, se remarque le mieux : ses chatons soyeux, qui sont en fait des fleurs, attirent le regard. Peu à peu, les étamines sortent du duvet argenté, transformant les chatons en boules dorées.
Les abeilles leur réservent leurs premières visites et, c'est bien le diable si, marché faisant, elles ne laissent pas tomber sur les chatons femelles quelques grains de pollen récoltés sur les fleurs de Monsieur saule.
Après la fécondation, ces fleurs femelles, qui portent une livrée verdâtre beaucoup plus discrète, laisseront échapper des milliers de graines portées par de minuscules parachutes.
Les mâles tirent leur révérence
Devenus inutiles, les chatons mâles sèchent et se détachent des rameaux. Sur la rive d'en face, sous les peupliers, une jonchée de chenilles rouges colore le sol : les chatons mâles, ayant tenu leur rôle dans le scénario de la reproduction, quittent la scène.
Mais il n'y a pas que le sexe dans la vie, la sortie des feuilles et la croissance des branches occuperont l'acte suivant !
Avec leurs partenaires le frêne et l'aulne, saules et peupliers grandissent vite et forment ce boisement de bord de cours d'eau que les savants appellent ripisylve.
Autrefois, les paysans tiraient profit de ces arbres au développement rapide : si le saule servait à faire des paniers ou à cuire le pain, le feuillage du frêne nourrissait les bêtes en hiver, et l'aulne, dont le bois durcit bien dans l'eau, était utilisé pour confectionner des récipients, les roues de moulins et surtout des sabots.
L'entrelacs formé par les racines de ces arbres maintient la terre des rives, l'aère et l'empêche de glisser. Et les truites y trouvent de belles cachettes, nous ferait remarquer malicieusement notre ami pêcheur. Les truites jouissent ici d'excellentes conditions de vie, dans une eau maintenue fraîche par les ombrages et bien oxygénée par la rapidité du courant. Cette zone dite à salmonidés est classée rivière de première catégorie selon la législation de la pêche.
Ces longues lanières filiformes qui dansent dans le courant sont les feuilles de la renoncule flottante. Fin mai, une belle floraison blanche se balancera au-dessus de l'eau, portée par de courtes mais solides tiges. Quand le courant ralentit un peu, c'est une nappe de cresson qui s'installe et qui se développera d'autant mieux si l'eau, peu profonde, est bien calcaire.
Une technique de camouflage
En écartant un peu le feuillage, nous découvrons quelques petits mollusques, ils s'y abritent contre la vitesse du courant. S'ils quittent leur refuge, ce sera une aubaine pour la bergeronnette qui complétera son menu avec des larves aquatiques ou de minuscules moucherons attrapés au vol.
Voilà un oiseau facilement reconnaissable avec son dos gris, son ventre jaune vif et surtout à sa façon d'agiter constamment la queue, ce qui lui a valu le surnom de hochequeue. On pense que ce comportement aide la bergeronnette des ruisseaux à se confondre avec la couleur toujours changeante de la surface de l'eau.
Perché au-dessus du courant, parfaitement immobile et bien en vue, le martin-pêcheur ne passe pas inaperçu : un vrai joyau au plumage d'un bleu vert brillant, contrastant avec le rouge intense de son énorme bec. Seuls d'imperceptibles mouvements de tête trahissent l'attention qu'il porte à la montée du menu fretin vers la surface.
L'oiseau s'envole brusquement, apeuré par le claquement d'une épuisette venant cueillir une belle fario, prise que notre ami remet immédiatement à l'eau. Il paraît que cette pêche no-kill est de plus en plus à la mode dans le monde des « moucheurs »
Chantal BRIQUEZ
source :
http://www.bienpublic.com/actu/region/20090405.BPA2404.html @+