(Rivière-du-Loup) La pêche à l'anguille est mal en point dans l'Est du Québec. Les stocks ont baissé à tel point que le ministère des Ressources naturelles (MRNF) a mis en place le long de l'estuaire un programme de retrait volontaire d'autorisation de pêche commerciale à l'anguille d'Amérique à l'aide de trappes.
«L'anguille a été déclarée espèce vulnérable. L'objectif du programme est de réduire de 50 % les mortalités dues à la pêche à trappes fixes», explique Denis Lacerte, de la Direction régionale de l'estuaire et des eaux intérieures du MAPAQ.
Au total, 67 pêcheurs ont reçu une offre de rachat de leur permis. Ils avaient jusqu'au 1er mai pour signifier leur intention d'accepter ou non. Les prix offerts varient en fonction de l'emplacement et de l'importance de la pêche. «Il est impossible de vous dire à ce moment combien ont signifié leur intention. Aucun contrat n'est encore signé», note M. Lacerte.
Gertrude Madore, de Kamouraska, la première femme pêcheur d'anguille au Québec, a décidé de ne pas vendre, même si l'anguille se fait de plus en plus rare dans ses coffres. «Nous ne sommes pas capables d'arrêter. C'est notre passion. Mes enfants veulent continuer. Les prises sont plus modestes, mais s'il y a moins de pêcheurs, nous en prendrons peut-être plus», dit-elle.
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http://www.cyberpresse.ca/le-soleil/actualites/les-regions/200906/02/01-862389-la-peche-a-languille-mal-en-point.phpSelon le président de l'Association des pêcheurs d'anguille, Georges-Henri Lizotte, de Rivière-Ouelle, le problème n'est pas récent. «Le nombre d'anguilles dans le fleuve diminue sans cesse depuis 1993. Dans les bonnes années, nous en pêchions plus de 500 tonnes annuellement. Maintenant, il s'en pêche autour de 40 tonnes», dit-il.
On retrouve l'anguille d'Amérique du Mexique jusqu'au Canada. Toute l'espèce se reproduit au même endroit, dans la mer des Sargasses, en Floride. Les jeunes migrent vers les rivières et les lacs, où ils peuvent demeurer jusqu'à 25 ans avant de retourner se reproduire en Floride.
«Ces dernières années, l'habitat de l'anguille a été réduit de beaucoup», raconte Dany Bussières, biologiste au service de la faune aquatique du MRNF. «Nos statistiques démontrent que 40 % des anguilles meurent broyées dans les turbines des barrages de Cornwall et de Beauharnois. Pour l'année 1996 seulement, 207 000 anguilles sont mortes de cette manière», renchérit M. Lizotte, ajoutant que dans les années 70, jusqu'à 1,5 million de ces poissons empruntaient les passes migratoires. «Ces dernières années, on en a à peine répertorié 50 000.»
Hydro-Québec mène des études pour trouver différentes solutions pour faire dériver les anguilles en amont de leurs turbines, comme des ultrasons. Depuis l'an dernier, des équipes du MRNF du Québec et de l'Ontario mènent aussi un projet de recherche en collaboration avec les compagnies hydroélectriques des deux provinces. Les anguilles sont capturées en amont des centrales et transportées en aval. «Les résultats sont intéressants. Les anguilles capturées l'an dernier ont été marquées et le taux de survie semble bon», note M. Bussières.
Selon Georges-Henri Lizotte, au fil des années, les gouvernements n'ont pas aidé la cause. «Lorsque l'anguille est revenue en force vers la fin des années 50, le ministère de l'Agriculture du Québec de l'époque donnait des permis de pêche commerciale à tout le monde. Il y a aussi Pêches et Océans Canada qui, dans les années 80, a donné plusieurs permis de pêche expérimentale à des pêcheurs du Nouveau-Brunswick, qui pêchaient des civelles qu'ils envoyaient en Chine pour qu'elles grandissent. Ces permis sont devenus commerciaux. Leurs prises sont passées de 28 kilos à neuf tonnes métriques. C'est 55 millions d'anguilles. Ça a brisé notre marché. J'ai écrit à la ministre pour que cette pêche au Nouveau-Brunswick soit coupée de 50 % et je veux une réponse positive», précise l'homme, en louangeant les biologistes du MRNF.
«Ils travaillent avec nous d'arrache-pied. Vous savez, une cohorte d'anguille mature prend 25 ans à produire.»
Selon M. Lacerte, le programme de retrait volontaire porte fruit. La même opération a été menée l'an dernier au lac Saint-Pierre. Sur 42 pêcheurs d'anguille à verveux répertoriés alors, il en reste six.
Georges-Henri Lizotte ne sais pas s'il vendra. «Je suis encore en forme, mais j'aurai tout de même 68 ans bientôt.» Sur les 110 pêcheurs d'anguille répertoriés il y a quelques années de Saint-Roch-des-Aulnaies à Trois-Pistoles, il n'en reste que 26. Depuis 2005, l'Association des pêcheurs d'anguille a ensemencé 2,8 millions de civelles dans la région du Haut-Richelieu.