« Interdire la pêche au thon rouge risque d’arriver si on laisse faire. »
Qu’attendez-vous du conseil européen de la pêche ?
« Rien. Nous avons rencontré la directrice des pêches au ministère de l’Agriculture qui nous a fait comprendre que si les États membres de la Commission internationale des thonidés de l’Atlantique (ICCAT) pouvaient réduire d’eux-mêmes les quotas fixés, il n’en était pas question. » Pourquoi ?
« L’Union européenne – l’Espagne, la France et l’Italie –, c’est plus de la moitié de la pêche de thon rouge autorisée. Surtout, l’Union a pris le problème à l’envers. Elle a subventionné des thoniers trop gros, en surcapacité par rapport au stock de thon rouge. Et elle dépense aujourd’hui énormément pour effectuer des contrôles dérisoires, même si elle a le mérite de les faire. Elle a créé quelque chose qu’elle ne maîtrise plus. Il est normal que quand les pêcheurs sortent, ils veillent à ce que ce soit rentable. » Pourquoi y a-t-il urgence ?
« Dans les années 90 déjà, on s’est inquiété du développement exponentiel de la capacité de pêche des thoniers. Il y a sept-huit ans, on a pu observer les premiers signes de surpêche. Et aujourd’hui encore, pour 28 500 tonnes autorisées en 2008, entre 50 000 et 60 000 auront été pêchées.
Or, selon les experts, on ne devrait pas en prélever plus de 15 000 pour permettre le renouvellement du stock. Mais l’ICCAT a quand même fixé les quotas à 22 000 pour 2009. » Comment peut-on pêcher plus du double autorisé ?
« Il y a des déclarations de pêche, de plus en plus de traçabilité mais il y a aussi l’appât du gain et des transferts en pleine mer, dans des fermes d’embouche notamment, où les poissons sont engraissés. Et face à cela, les moyens de contrôle sont insuffisants. » Les choses peuvent bouger ?
« Cette année, un rapport sur l’ICCAT a jugé sa gestion de la pêcherie de “honte internationale”, ses propres experts ont préconisé des quotas inférieurs à 15 000 tonnes. L’Union internationale pour la conservation de la nature a même voté pour un moratoire, avec le soutien de l’Espagne et du Japon. Mais aucun n’a été suivi. Nous ne voulons pas interdire la pêche au thon rouge, mais ça risque d’arriver si on laisse faire. » • RECUEILLIS PAR S. L.
Source :
http://www.lavoixdunord.fr/journal/VDN/2008/12/15/PLUS/ART1454494.phtml